Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Front de Gauche Bagnères
1 février 2015

Emprunts toxiques : explication de texte

Sous le titre « le Franc Suisse ne fait plus le bonheur des collectivités » la dépêche a mis le projecteur sur 2 villes impactées par ce type d’emprunt : Bagnères et Tarbes. Le maire de Bagnères déclare que cet emprunt était destiné à « racheter de la dette suite aux investissements sur la commune et gagner en intérêts». Un prêt qui ne représente que 500.000 € sur un encours total de 15 millions. «On suit son évolution avec attention, quasi quotidiennement, en lien avec la sous-préfecture, pour bénéficier du fonds de soutien pour les communes en difficulté mis en place par l'État, plaide l'élu bagnérais. Au début du mois, on était très inquiet, mais on ne perd finalement que 10.000 €, sur un budget total de 14 M€.» Dans le même temps, la mairie renégocie un «petit» emprunt au taux fixe avec une part variable. «Mais le rachat n'est pas facile car on ne nous fait pas de cadeau. On oublie aussi ce que ces prêts nous ont permis de gagner de l'argent au départ. Et puis, comme Dexia, c'était l'État, la confiance était naturelle…». Un florilège de contrevérités….

Reprenons depuis le début :

  • 1945 : l’Etat nationalise la Banque de France et 4 grandes banques de dépôt
  • L’Etat finance quasiment exclusivement les collectivités par l’intermédiaire de la CDC (Caisse de Dépôts et Consignations)
  • 1950 : les Caisses d’Epargne sont autorisées à prêter aux organismes publics en utilisant les fonds du livret A
  • 1966 : création de la CAECL (Caisse d’aide à l’équipement des collectivités locales), établissement public national spécialisé dans les prêts aux collectivités locales
  • 1973 : la loi dite « Pompidou-Giscard » ou « loi Rothschild » interdit au Trésor Public d’emprunter directement à la Banque de France à des taux d’intérêts nuls ou très faibles (disposition reprise dans tous les traités européens)
  • 1982 : la loi de décentralisation accorde la liberté d’emprunter aux collectivités territoriales.

L’Etat a ainsi abandonné son rôle de financeur aux banques privées et n’exerce plus qu’un contrôle a posteriori sur les emprunts des collectivités.

  • 1984 : banques de dépôts et banques d’affaires sont réunies pour former des « banques universelles »
  • 1987 : la CAECL est privatisée et se transforme en CLF (Crédit Local de France), société anonyme à caractère commercial introduite en bourse en 1991
  • 1996 : naissance de Dexia, alliance entre le CLF et le Crédit communal de Belgique

Donc quand Monsieur Sempastous déclare benoîtement, concernant un emprunt datant de 2010,  que « Dexia c’est l’Etat », ce n’est que la preuve d’une insondable ignorance du système bancaire, ce qui est passablement inquiétant pour les contribuables que nous sommes….

 

Continuons :

  • Jusqu’en 1991, les emprunts des collectivités locales échappaient presqu’entièrement au marché financier, ce qui leur a permis de s’endetter à faible coût : de 1974 à 1982, les taux d’intérêts ont été en permanence négatifs (Cour des comptes, novembre 1991)
  • Au milieu des années 1980, les taux d’intérêts s’envolent pour atteindre des valeurs supérieures à 14%, voire 16%. Les collectivités locales vont donc s’efforcer de renégocier ces emprunts à partir des années 1990 pour profiter de la baisse des taux
  • C’est à ce moment que les banques, Dexia en tête, vont en profiter pour refourguer aux élus leurs fameux « prêts structurés »
  • Ces types de prêts sont très intéressants pour les banques car ils permettent de multiplier leurs marges par 2, par 3, voire davantage. L’opération est d’autant plus intéressante pour elles que le risque est supporté par les seuls emprunteurs.
  • En effet, les banques se couvrent auprès de banques de contrepartie, alors même qu’elles persuadaient les maires qu’ils pouvaient rester vissés à un énorme risque qui « bien entendu ne se réaliserait jamais ».
  • Au final, le prêteur (Dexia), au lieu d’être rémunérée pour prendre un risque sur le crédit proposé à une collectivité, a été rémunéré pour faire prendre un risque à ses clients !

 

Quand Monsieur Sempastous déclare tout aussi benoîtement « que ces prêts nous ont permis de gagner de l'argent au départ », on approche de la naïveté coupable ! Qui peut à ce jour, penser qu’une banque est une entreprise caritative qui nous permet de gagner de l’argent. Les banques font partie de ce qu’on appelle l’industrie financière et gagnent de l’argent comment : tout simplement en faisant payer avec des intérêts, la création monétaire qu’elles font par le crédit. Rappelons que les banques détiennent en valeur réelle moins de 15% des sommes qu’elles prêtent. Donc non, elles ne font pas de cadeaux … on n’est pas dans le monde des Bisounours !

 

La crise à présent :

  • 2007 : la crise financière assèche les liquidités de Dexia qui fait faillite
  • 2013 : création de la SFIL (Société de Financement Local) par l’Etat français. Capital détenu à 75% par l’Etat. Cette société a repris un portefeuille de 90 milliards € de prêts consentis par Dexia aux collectivités. Dont 8,5 milliards € de prêts toxiques.
  • 2013 : le département de la Seine Saint Denis gagne en justice contre Dexia et obtient la nullité des intérêts sur ses prêts structurés. D’autres collectivités attaquent Dexia en justice.
  • 29 juillet 2014 : l’Assemblée Nationale adopte une loi qui valide rétroactivement les emprunts toxiques illégaux (dont font partie les emprunts calculés sur la parité €/franc Suisse) et prive ainsi toutes les collectivités de toute possibilité d’action en justice.
  • Pourquoi ? tout simplement parce que, comme c’est l’Etat qui a repris les créances pourries de Dexia à travers la SFIL, c’est à lui de s’asseoir sur les intérêts de ses débiteurs.
  • Conclusion : soit le citoyen français va passer à la caisse à travers ses impôts locaux, soit à travers ses impôts sur le revenu ! au choix. L’Etat français a chois les impôts locaux
  • Quant au fonds de soutien évoqué par Monsieur Sempastous, il est prévu pour couvrir environ 3% du coût total du risque estimé, les 97% resteront à la charge du contribuable
  • Dernier avatar en date : le jeudi 15 janvier 2015, la Banque Nationale Suisse (BNS) a décidé d’abandonner sa politique consistant à maintenir la parité Frans Suisse €uro ce qui a entraîné l’envolée du Franc suisse
  • Les intérêts des emprunts toxiques s’envolent jusqu’à des niveaux inégalés

 

Donc quand le maire de Bagnères est ravi de ne perdre que « 10 000€ » (les Bagnérais apprécieront), il n’est peut-être pas encore arrivé au bout de ses surprises !

 

Que faire donc ?

  • Demander des comptes à nos élus parlementaires qui ont visiblement voté cette loi scélérate destinée à amnistier les banques de leurs malversations
  • La seule solution consiste en une annulation législative des modes de calcul des taux d’intérêts de ces prêts pour leur substituer le taux légal
  • Les banques de contrepartie et leurs actionnaires doivent supporter l’intégralité des coûts car elles sont coresponsables de ces montages frauduleux
  • Parmi elles : Goldman Sachs, JPMorgan, HSBC, Deutsche Bank, UBS…les faire payer ne serait que justice

 

Publicité
Commentaires
Publicité
Archives
Newsletter
Publicité